Depuis les débuts de ce projet, à l’origine un blog, nous avons souvent été confrontés à des réactions sur le mot « province« , du type « tu ne trouves pas que c’est péjoratif ? » ou « provincial, ça fait un peu campagnard non ? ».
Pour ma part, je me suis entendue leur répondre que « non, pas du tout ». Il se trouve que je suis moi-même originaire de province et que je l’ai toujours utilisé à mon propre compte sans aucune arrière-pensée.
Je pense que « province » est un mot pratique pour désigner « le reste de la France« , c’est à dire l’ensemble des régions autres que la région parisienne. C’est un mot très utile dans le cadre d’un projet comme Paris, je te quitte. Imaginez, si je devais dire à chaque fois « quitter Paris pour une région française autre que l’Ile-de-France » …
Ne serait-ce pas plus simple de dire « quitter Paris pour la province » ?
Note : je remercie au passage le petit Larousse qui me l’autorise par sa définition ci-dessous :) .
province = Ensemble du pays, à l’exclusion de la capitale, de la région parisienne. (Source : Larousse.fr)
Néanmoins ces réflexions me taraudent. Je me suis surprise à parler plusieurs fois de « Quitter Paris pour vivre en région », comme si peu à peu le mot province en venait à me déranger moi aussi. D’où l’objet de cet article un peu inhabituel …
Discussion autour de l’étymologie de « province »
Un peu d’histoire
Apparement, l’origine du mot se trouverait dans le latin « provincia ». Le préfixe est simplement pro- et le radical vient de vincire qui signifie lier. (source : wikipedia)
La provincia était alors un pays conquis par Rome.
Provincia = Pays conquis par Rome hors de l’Italie, administré par un gouverneur romain.
(Source : larousse.fr)
Les premières provinces romaines furent la Sicile et la Sardaigne-Corse. En tant que pays conquis par les Romains, une province était administrée par un gouverneur qui décidait des conditions et collectait les impôts. Une présence militaire était parfois imposée.
On retrouve dans cet étymologie l’idée d’un rapport de domination entre la capitale, Rome, et les provinces conquises.
Alors pourrait-on faire un parallèle avec la situation entre Paris et les autres régions françaises ? Aujourd’hui ? A l’heure des réformes territoriales et de la politique de décentralisation ? Rien n’est moins sûr …
La province au XXIe siècle
Aujourd’hui encore, dans certains pays comme la Belgique ou le Canada, pour ne citer que ces deux-là, la province se définit comme une division administrative. Ah ! Ce serait en ce sens un parfait synonyme de nos « régions » françaises.
Mais alors pourquoi en France, considère t-on que ce terme à un côté péjoratif ? Si l’on poursuit notre lecture du Petit Larousse, on arrive alors au point qui fâche.
Ces villes, ces régions considérées comme le lieu d’un mode de vie tranquille, un peu démodé : Des manières de province ;
s’emploie familièrement comme attribut ou en apposition sans article pour caractériser ce type de comportement : Avoir un air province. Faire très province
« Un mode de vie tranquille, un peu démodé ». Est-ce que vous trouvez ce qualificatif adapté à un territoire comptant des villes comme Lyon ou Strasbourg ? Finalement, dans une ère où l’information circule tellement facilement et rapidement, comment pourrait-on encore dire que la province est en décalage avec la région parisienne ?
Des petites moqueries entre amis ?
Alors certes les Parisiens peuvent parfois se moquer gentiment de leurs comparses Provinciaux. Mais les provinciaux ne leur rendent-ils pas la pareille ? N’avez-vous jamais entendu un Marseillais ou un Bordelais se moquer de la conduite des parisiens, sur la route et dans la vie, « qu’est ce qu’ils sont pressés ceux-là », « ils ont le klaxon facile » ou alors « tiens un parisien qui n’a jamais vu une vache ».
L’idée n’est pas de savoir qui a raison ou qui a tort. Entre amis on se taquine. Entre Parisiens et Provinciaux, on se taquine également. Comme le font à plus grande échelle les Français et les Belges.
Vers une nouvelle définition de la province
Je finis sur ce sujet en vous proposant ma définition personnelle de la province, en espérant qu’elle vous plaira, que vous soyez parisien ou provincial :) et qui est en tous cas celle qui me viendra à l’esprit chaque fois que j’utiliserai le mot et qu’on me posera la question fatidique.
Province = Un espace géographique qui regroupe des réalités très différentes, allant des métropoles européennes aux plus beaux villages de France, d’un environnement ultra-urbain à des paysages naturels incroyables, dans lequel on rencontre des personnes de tous horizons, où il fait bon vivre.
Vous l’aurez sûrement compris, je préfère continuer à utiliser le mot « province ».
Et vous quelle est votre définition ? Le débat est lancé :)
Très intéressant et réfléchi ; « de touS horizons » par contre…
merci pour votre vigilance :)
Bon… à l’ère du grand Paris, un habitant de Villejuif (exemple) est plus géographiquement un parisien qu’un provincial tout en restant un banlieusard (vue d’un parisien)! Il y aurait donc Paris, la Banlieue, la province pour le quotidien et… les vacances à Cannes, La Baule, le ski à Courchevel bref, en province :) et sinon… j’aimais bien dans l’article la référence à la région comme une zone géographique à territoire plus ou moins également réparti sur l’ensemble du territoire (y compris les DOM/TOM !). Enfin un avantage à ce découpage régional ! Une (presque égalité) des territoires de leur administration et de leurs… habitants (ça y est j’ai fâché le nord et l’oise, la Picardie séparée de sa Normandie…). Bon… on va garder Paris et la Province… ça ne nous fera que détester les Parisien pour ce prétendu snobisme. C’est plus simple! Un ancien Banlieusard qui a migré la Province pour se poser à Cannes (et qui adore la Bretagne, le Sud Ouest, Strasbourg, Lyon, et tout le reste !)
Je trouve le terme province extrêmement péjoratif, dans le sens où il témoigne de la Centralisation très franco-française. La Belle Province du Québec a du pouvoir, un gouvernement. Les provinces/régions de France n’en ont quasiment aucun (surtout depuis les actions des derniers gouvernements).
Une partie de la frustration des Gilets Jaunes vient du fait qu’une partie des gros investissements vont sur Paris (surtout avec Paris 2024. Pourquoi pas Marseille 2024 ou Lyon 2024 ?). Idem avec le Brexit, Lille aurait pu recevoir l’organe européen de la Santé, Macron a préféré privilégier Paris pour l’organe financier.
On peut aussi regarder du coté du train : La ligne Bordeaux Paris a couté une très grosse somme, et profite surtout aux parisiens. Les familles peuvent très difficilement se déplacer en train (les tarifs les moins chers se font en semaine et/ou longtemps en avance) en France sans passer par Paris, et avec les 80 km/h et l’essence, les trajets hors capitales sont polluants et difficiles… Et on peut compter les fermetures des petites lignes, alors que des lignes ouvrent à Paris…
Sans compter que la France jacobine a tué les langues régionales… Que le terme province désigne à la fois Le Nord, l’Est, l’Ouest et le Sud, des régions qui étaient autrefois des pays différents. Et qui, avec un système fédéral à l’Allemande, auraient vu un développement drastiquement différent !
De fait, dire « je vis en province » sous-entend « en dehors de la Capitale, c’est partout pareil ! ».
Tout ça ne compense pas le coté péjoratif que peut avoir le mot « parisien ».
Pour ça, que personnellement, je dis « je vais en région », ou dire « je passe les vacances à [nom lieu], tout le monde comprend que je ne parle pas de Paris ! :)
Mais vivement que la France mette du mou dans son aspect « une et indivisible » de plus en plus fracturée ! :p
Merci Guilhem pour ce commentaire juste. Le langage et les symbolismes qui vont avec ne doivent surtout pas être pris à la légère. Si les termes « nègres » ou « race » ont disparu, c’est que la réalité ne correspondait plus à l’usage que l’on en faisait. Il est grandement temps que ça arrive pour le terme « province », ainsi que les évolutions mentales et sociétales qui iraient avec.
Absolument ridicule de dire « les régions »au lieu de dire la province !!. J’ai habité en région parisienne et quand j’entends « les régions » à la télé ou ailleurs, j’ai du mal à comprendre puisque Paris fait partie de la région parisienne, alors ils parlent de qui, de quoi ?? du territoire français (puisque la France est un territoire), enfin, s’ils se comprennent entre eux (entre non français je veux dire), c’est l’essentiel, parce que pour nous en France, il y a 18 régions (dont la région île de France) et un seul territoire (le territoire français).
Denis, et pourtant, tout le monde comprend, même vous, que quand on dit « en région », ça n’englobe pas la région parisienne ! ^^ (sinon on dit la Couronne, ou l’île de France, y a plein de nom, et je fais tout pour que ce soit pareil pour les autres endroits du territoire).
Si vous ne voulez plus paraître prétentieux en disant province, dites simplement le nom de la région dont vous parlez ! ^^
Et il n’y a pas qu’une seule France, puisqu’entre la métropolitaine, celles des îles du pacifique, de l’océan indien, d’Océanie, des territoires américains… Qui ont différentes langues officielles. Ou même sur le continent avec certaines régions comme l’Alsace qui ont le concordat…
Cette vision de la France entre Paris et « sa province » est un vieux mythe républicain qui vit sous perfusion. Je suis content d’habiter en France, mais j’ai bien conscience de ne pas du tout vivre la même expérience entre le Var et le Nord. Ce n’est pas pour rien qu’on assiste à un retour de plus en plus fort des langues régionales et des « nationalismes ». Il va un jour falloir que Paris accepte que ces revendications existent, et qu’il faut les prendre en compte avant que ça ne s’extrémise de partout.
Merci Laura pour cette réponse ! ^^
Il est très simple de donner le nom de la ville à laquelle on fait référence. Que ce soit “provinces” où “régions”, cela sous-entends “il y a Paris et il y a le reste”… Paris sans les autres villes de France n’est qu’une ville, le “reste” (comme ils aiment le sous-entendre) sans Paris est un pays. Et ceci, même en tenant compte du poids économique de la ville qui n’a cessé de grossir du fait de la politique abusive toujours existante de centralisation. D’ailleurs je suis curieux de savoir quelle ville aurait pris le pas sur Paris si une grosse partie des efforts n’avaient pas été consenties à cette seule ville. Après tout, après avoir vécu à Nice, Toulouse ou Paris, je croise tellement de parisiens qui rêveraient de quitter Paris mais qui y sont contraints… la ville ne plaît qu’à certaines classes sociales en réalité.
Heureusement, la technologie se charge d’effacer ce favoritisme que l’on s’emploie à faire régner depuis la monarchie.
Vive les grandes villes et les terroirs de France.
tout à fait d’accord avec Pierre: « je croise tellement de parisiens qui rêveraient de quitter Paris ! ». J’ai aussi habité Paris, et quand je voyais des jeunes, dans le métro, réviser leurs cours de maîtrise de maths ou de philo !!.. je les plaignais – dur dur dans le métro ! -, nous, en province, on avait peu de transport et pouvions étudier au calme, à la maison. Quant au soi-disant avantage d’aller au théâtre, aux concerts en complément des cours quand on habite Paris !. Oui, bon, en retraite peut-être, sinon je n’ai jamais connu un jeune préparant centrale ou une agrégation quelconque aller au théâtre ou au concert !!. mais restons-en à appeler les choses comme il se doit: la province est l’ensemble de la France en dehors de Paris (et non pas « les régions » ou « les territoires »!), sans supériorité de l’un sur l’autre, Chacun fait comme il peut, comme il veut. Province ou Paris, peu importe, on habite où on demeure Il. Blague à part, il est à noter que depuis des années certains s’escriment à « inventer » des mots nouveaux pour dire la même chose qu’avant mais ils ont l’impression que c’est pas pareil !!. Il y a les « non voyants » au lieu de parler des aveugles, et comme disait notre cher Coluche: on dit des « non-comprenants » pour ne pas dire des co…, … mais c’est pareil!. Alors autant dire comme avant, quel est l’avantage de changer de mots ?.
Bonjour Denis. Pour répondre à votre dernière question il me semble que si des gens ressentent le besoin de changer un mot, qu’il trouve dans ce cas oppressant (comme cela a été décrit plus haut), il n’y a pas besoin de juger, de trouver ça ridicule ou inutile. Vous êtes probablement attaché aux mots dont vous avez l’habitude, c’est bien normal et souvent l’esprit résiste à ce qu’il n’a pas choisit de changer. Cependant personne ne vous force à dire « régions » au lieu de « province ». En fait c’est une question d’usage, c’est ça qui prime (et certainement pas le dictionnaire), les gens qui change ont choisit et pour eux c’est ça l’avantage. Personnellement Province est un mot que je n’aime pas du tout (je n’aime pas l’idée de vivre en provincia, en pays conquis) et donc je ne l’utilise pas, je dis en régions ou en France (ou le nom de la région). Par mon usage je participe peut être à changer les habitudes, ou pas.
Je sais bien que vous pouvez comprendre et accepter ça, ne soyez plus non comprenant que vous ne l’êtes vraiment.
Pour être honnête je trouve ce mot irrespectueux et il n’est suivie souvent que de propose irrespectueux. Ce mot est rabaissant on le dit tout le temps , être dans le dictionnaire ne rend pas moins rabaissant . Critiquer la conduite ou ne pas avoir vu de vache sont des taquineries comme on dirais que les gens du sud ne travaille pas beaucoup. Ce mot est pour moi une autre catégorie qui vise à mettre Paris au dessus de reste de la France en s’imaginant que tout ce qui n’est pas Paris est la meme choses .
Merci pour ce retour :)
Quand certains parisiens utilisent le nom province pour opposer Paris à cette dernière, ils utilisent le singulier et non pas le pluriel. Ainsi s’opère une opposition généralisante entre Paris et le reste de la France, indifféremment de toutes les spécificités de chaque territoire. C’est pour cette raison que cet usage du terme province est connoté de façon péjorative, voire même condescendante pour moi. Il y aurait Paris, le nombril de la France, et le reste de la France.
Étant originaire du Pays Basque je sais pourtant qu’il est composé de 7 provinces. Quand je dis que j’habite en Lapurdi, il s’agit de l’une de ces provinces et il n’y a aucune primauté de l’une sur les autres. Le terme province est alors synonyme de région car il s’agit d’un territoire délimité suivant certains critères.
Je pense donc que le mot province n’est pas à bannir mais est à utiliser avec parcimonie suivant le contexte.
Merci pour ce super retour Mégane ! :)
Une autre origine recensée pour province, latine elle aussi, serait « pro victis », qui signifie « territoire des vaincus ». Et c’est tout de même globalement l’idée historique. La fâcherie vient sans doute de là :-)
Le terme province n’est jamais employé dans d’autres contextes que ceux visant à opposer ou à hiérarchiser deux modes de vie (ou supposés modes de vie). Ici même, il est utilisé dans un contexte « quitter Paris » (pour de bonnes raisons on l’imagine). Pour d’autres c’est à Paris qu’est la mode, la culture, la finance, la politique… l’avant garde. Pour ceux-ci, en province tout serait partout paisible, immuable, traditionaliste et sans éclat.
Province est donc sans doute intrinsèquement péjoratif si l’on considère qu’il y a en fait du génie partout et que les moins brillants sont tout aussi uniformément répartis. Il confine à l’idée selon laquelle il y aurait un ensemble parfaitement homogène qui serait la « province » et qui se distinguerait (et pas en meilleur !) de la capitale. Hors du point de vue général, il y a tout autant de différences entre deux régions ou deux villes qu’entre Paris et l’une de ces deux villes.
Ce mot qui vise à écarter Paris de toute compétition (qui ne saurait décemment pas se jouer entre elle et « le reste ») n’est plus seulement péjoratif, il est aussi très « ancien monde » et plus en prise avec la France d’aujourd’hui.
L’histoire désormais dit tout le contraire : d’abord forcée par les départements immédiatement limitrophes à Paris (qui se voyaient tout à fait au niveau pour pouvoir se glisser dans le camp de Paris et s’extirper par le haut du magma de la province), l’ambition de participer à armes égales à la compétition a depuis longtemps maintenant gagné tout le territoire et il ne reste plus que quelques nostalgiques pour penser à une échelle aussi « locale ». Aujourd’hui, une entreprise de la french tech Lyonnaise ou Lilloise est en compétition avec le monde entier, elle ne se mesure plus du tout par rapport à telle ou telle localité, fusse-t-elle capitale :-)
En substance, le mot province est inutilement séparatiste : il est perçu comme méprisant par ceux qu’il désigne. En retour, il favorise le mépris à l’encontre de ceux qui l’emploient, perçus comme ringards et peu acteurs du monde contemporain.Autant le bannir de notre vocabulaire, il ne fait que nous séparer !
Je suis d’accord avec Denis. Pourquoi dire « en régions » alors que L’ile de france est aussi une région ? Pourquoi ne pas utiliser le mot « province »? Il n’y a rien de préjoratif ! C’est juste « les régions qui ne sont pas Paris ». Et alors, ce n’est ni bien ni mal de ne pas habiter Paris. Le mot nègre a été pris en exemple dans l’article, et c’est pareil. Il est devenu péjoratif à cause de la connotation que lui donnaient certains, alors qu’il signifiait que « noir » au début… le mot négritude a même été revendiqué par la suite. Les se dotent de la connotation que le locuteur lui apporte…