Vous aimeriez quitter Paris sans quitter votre emploi actuel ? Eh bien bonne nouvelle, c’est possible ! Certains y parviennent grâce au travail flexible. Nous avons interviewé Caroline de Tinguy, cofondatrice de House of Cadres, qui s’emploie à évangéliser les entreprises françaises pour diffuser un mode de travail plus flexible, à l’image des modèles anglo-saxons. Voici le bilan de l’interview. Merci Caroline pour toutes ces informations !

Comment est venue l’idée de House of Cadres ?

CAROLINE : J’ai quitté Londres en 2010 où je travaillais en « flexible working » à l’anglaise, c’est à dire avec un rythme de travail qui me convenait : il s’agissait d’un temps partiel avec 2 journées de télétravail. Une fois rentrée à Paris, j’ai demandé à mon employeur la même chose qui m’a répondu qu’il ne voulait pas créer un précédent.

Je me suis alors rendue compte que la France n’était pas du tout en avance sur ce sujet alors que beaucoup de pays d’Europe étaient déjà passés au « flexible working ». De fil en aiguille, j’ai envisagé de lancer une plateforme qui pourrait aider les cadres comme moi à trouver un travail flexible, dans lequel ils seraient libres de choisir leur organisation.

C’est ainsi que j’ai rencontré Judy Raffray qui travaillait de son côté sur les mêmes thématiques et à deux on a embarqué la troisième associée Caroline de la Tournelle, qui s’est prise au jeu avec nous : voilà comment est né House of Cadres.

On a lancé la plateforme en février 2016, au début sous la forme d’un portail d’information. En effet, il existe beaucoup de préjugés et de poches de résistance en France sur le travail flexible, l’idée c’était de les lever petit à petit.

On a donc monté ce portail d’information où l’on publie des interviews de cadres qui travaillent de manière flexible et on partage des bonnes pratiques. On y met en avant les entreprises pionnières sur ces sujets. Depuis septembre 2016, le site diffuse des emplois et missions qui offrent toutes une flexibilité. L’objectif est de permettre à chacun des utilisateurs de trouver le rythme de travail qui lui convient et surtout, on espère, l’offre qui lui convient.

Comment définissez-vous le travail flexible ?

CAROLINE : Le travail flexible c’est « le mode d’organisation du travail qui vous convient », ou à l’anglo-saxonne « anywhere, anytime, anydevice ». Pour parler français, c’est tout ce qui sort du CDI classique, à temps plein, de 9h à 18h, sur un même lieu de travail.

Pour autant, le travail flexible ne signifie pas précarisation, mais la possibilité pour chacun de choisir la façon de travailler qui lui convient. Pour certains la flexibilité sera un CDI, en horaires souples, ou offrant la possibilité de travailler de chez soi à 100% ou quelques jours par semaine. D’autres préfèreront des formes indépendantes (certaines formes de temps partagé, missions) ou encore des formes hybrides (comme le portage salarial). C’est ce choix de nouveaux statuts et de nouveaux modes de travail que nous voulons rendre accessible à tous.

A qui vous adressez-vous ?

CAROLINE : Ce qui est étonnant c’est que nous sommes parties de notre besoin et de notre profil personnel : nous sommes 3 femmes cadres de plus de 35 ans, avec des enfants. Nous pensions attirer plus particulièrement cette cible féminine. Mais depuis que le site est en ligne, nous constatons que 40% des utilisateurs de la plateforme sont des hommes et 40% ont un profil d’indépendants.

Vous avez plusieurs types de personnes qui recherchent la flexibilité :

  • les femmes, plutôt génération X, mères d’un enfant ou plus qui ont besoin d’un équilibre de vie, de temps, qui vont chercher autonomie et souplesse d’organisation
  • les hommes plutôt génération X qui veulent de la flexibilité parce qu’ils aspirent à des modes de travail plus autonomes, ils ne souhaitent pas travailler moins mais plutôt travailler différemment en étant maîtres de leur organisation.
  • Plus généralement les cadres de la génération Y , hommes ou femmes, qui ont les mêmes aspirations : autonomie, souplesse, conciliation vie pro et perso…
  • A cela s’ajoute un besoin spécifique pour les cadres vivant en région parisienne : l’envie de flexibilité pour changer de vie. Ils font beaucoup de commuting, ils travaillent très loin de chez eux, passant en moyenne 1h30 par jour dans les transports, ils veulent quitter Paris et ont besoin de flexibilitépour réaliser leur nouveau projet de vie.

Finalement, on a quasiment autant d’hommes que de femmes, et la moyenne d’âge est autour de 30 ans.

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Quels sont les services que vous proposez aux cadres ?

CAROLINE : Nous essayons d’être présents sur toute la chaine avec :

  • l’accès gratuit à des offres d’emploi ou de missions avec la possibilité de réaliser une recherche un poste par type de flexibilité (télétravail, temps partiel, temps partagé, …) dans toute la France.
  • des ateliers (en présentiel ou online) pour les cadres qui cherchent des informations pour clarifier leur projet professionnel, qui se posent des questions :
    qu’est ce que le temps partagé ? comment se lancer en freelance ? quels sont les modes de travail flexible ?
  • des ateliers pour aller plus loin, plus orientés coaching ou conseil, plus pratico-pratiques : quelle flexibilité pour mes besoins ? comment négocier un temps partiel / le travail à distance avec mon patron ?
  • enfin, on a aussi une base d’informations sur le site : qu’est ce que l’emploi flexible, des informations juridiques, …

Auriez-vous des exemples d’entreprises qui ont adopté le travail flexible ?

CAROLINE : Dans notre expérience il y a principalement 3 types d’entreprises qui pratiquent le travail flexible.

Tout d’abord, on trouve les nouvelles entreprises du type startup. Celles-ci sont très imprégnées de ces nouveaux modes d’organisation. Elles vont alterner les statuts d’emploi mais traiter sur le même plan les salariés et non salariés. Elles vont parler d’écosystème plutôt que de collaborateurs, car elles vont axer sur la compétence plutôt que sur le statut. Elles privilégient le travail en mode projet. Elles sont totalement imprégnées de cette capacité à travailler de n’importe quel endroit. Donc elles sont prêtes à embaucher plus facilement des personnes qui télétravaillent à temps complet ou à temps partiel si cela leur permet d’attirer la compétence dont elles ont besoin.

Le deuxième type d’entreprises, c’est l’entreprise dans laquelle la flexibilité fait partie de la culture d’entreprise comme l’agence de communication BETC. Celle-ci a défini sa flexibilité en permettant à chaque service de construire la sienne par exemple de deux jours par semaine dans certains services, ou alors deux jours par mois.

Enfin le troisième type d’entreprises regroupe celles qui ont choisi ce levier pour devenir plus agiles et faire face à la concurrence. Je pense aux laboratoires Roche, par exemple, une entreprise plutôt traditionnelle mais qui a choisi la flexibilité pour devenir plus agile et faire face à la concurrence des startups. En effet, elle a considéré que la flexibilité était source d’innovation. Elle a alors mis en place des pratiques flexibles très avancées : chaque salarié a droit à 2 jours de travail à distance par semaine et peut avoir accès à une bourse de mission interne pour travailler 6 mois dans un autre service … Ce genre d’entreprise va réellement développer des formes personnelles de flexibilité.

quitter paris travail flexible télétravail

Quel type de flexibilité pour aider les parisiens à quitter Paris ?

CAROLINE : Il est vrai que c’est un cas qui se produit de plus en plus souvent. D’ailleurs on a des témoignages de personnes qui ont fait ce choix-là. Il existe deux types de formats utiles pour ces gens-là :

  • négocier le travail à distance avec son entreprise ou trouver un nouvel emploi en télétravail qui permette de vivre en province tout en gardant un emploi en région parisienne
  • travailler en temps partagé dans la région dans laquelle on décide de s’installer.

Le temps partagé, c’est-à-dire le fait de mettre à disposition ses compétences de plusieurs entreprises, c’est une pratique qui se développe beaucoup en province. On y trouve de petites PME qui n’ont pas la possibilité ou le besoin d’embaucher quelqu’un à temps complet et vont choisir de recruter une personne à temps partiel . La personne en temps partagé va ainsi partager son temps entre ces différentes entreprises, en ayant un statut d’indépendant, ou en étant salariée de ces entreprises ou d’un groupement d’employeurs. Elle peut ainsi créer son job équivalent temps complet qu’elle trouverait plus difficilement dans certaines régions en ne recherchant qu’un seul employeur.

Je souhaite partir en province : comment aborder la question de la flexibilité avec mon employeur ?

CAROLINE : Le plus important c’est d’arriver à inspirer confiance. On est dans un mode de management qui joue encore beaucoup sur le contrôle, le présentéisme. Il faut donc rassurer son manager.

La clé est d’arriver avec un projet très clair, être bien au fait de ses points forts, bien argumenter. Et laisser au manager la possibilité d’en discuter ensemble. Si vous demandez un télétravail, il faut pouvoir montrer comment vous allez être capable de faire le travail demandé sans être en contact avec les équipes au jour-le-jour mais surtout comment vous allez pouvoir le rassurer lui en tant que manager.

Merci Caroline pour ces réponses !
Si vous êtes tenté par le travail flexible, pourquoi ne pas commencer par lire des témoignages de personnes qui ont négocié un télétravail pour partir de Paris tout en conservant son emploi ? Par exemple celui de Camille et Thomas.

Pour découvrir des offres de travail flexible, vous pouvez consulter la plateforme de House of Cadres.